Lundi 27 janvier 2027[1]. Huit heures du matin. Clara, 8 ans, boit son chocolat - bio et équitable, comme tous les produits alimentaires de l’époque.
Elle est encore toute remuée de la visite qu’elle a faite hier au musée de l’Exclusion. Elle a été choquée d’apprendre qu’il y a 20 ans à peine, des gens mourraient de froid dans les rues, alors que les logements vides étaient très nombreux, et que plus de 2 millions de personnes n’avaient pas d’activité.
Révoltée, elle dit à sa grande sœur Madou qui révise son cours d’économie humaine :
- Plus jamais ça !
- Quoi plus jamais ça ?
- Plus jamais la barbarie de l’exclusion ! Les gens couchaient sous des tentes à Paris !
- Ma vieille, tu apprendras ça bientôt. Tiens, regarde mon bouquin. Ce matin, j’ai un contrôle d’histoire sur les 30 Odieuses. Les années 1980/2010. Papa était petit. Les patrons sautaient en parachutes dorés. Regarde ce dessin de l’époque, un certain Plantu.
A ce moment, Max, le père de Clara et de Madou arrive et se plonge dans les Echos Solidaires. Il est à cran avec la campagne des Présidentielles Européennes. Il milite pour la candidature de Kristian Zautteür, un Allemand d’origine turque qui a promis de faire progresser le PIDE.
- C’est quoi le PIDE ?
- Le Produit Intérieur Doux Européen.
Max s’étrangle avec son café en lisant que ces ringards du PRUL, le Parti pour la Réhabilitation de l’Ultralibéralisme remettent en cause le programme pour l’entreprenariat solidaire de Jean-Guy Ravel et Jean-Marc Bollero.
Heureusement tous les sondages montrent que les Européens sont très attachés au fameux PASC, le Pacte de la Société Civile, signé en octobre 2017. Une vraie révolution qui a véritablement transformé le mode de développement et les mentalités.
Max se souvient comment, s’inscrivant alors dans la filiation du Conseil national de la Résistance, l’économie sociale et solidaire, rejointe par des syndicats, ONG, consommateurs mais aussi des élus et des entrepreneurs responsables ont monté une coalition pour changer l’économie. Pour la rendre plus sobre, plus solidaire, plus démocratique.
Madou interpelle son père :
- Dis, Papa, t’aurais pas 20 sols sur ta carte pour mon e-learning sur les circuits courts ? Je n’ai plus rien sur ma carte !
Max lui tend sa carte Sol et regarde son téléphone. Un signal lui annonce que son co-voiturage électrique sera là dans 7 minutes. Il embrasse ses filles et descend l’attendre devant le siège d’Europe Active, où travaillent 2000 personnes pour financer des projets responsables en Europe.
Max sourit en se rappelant la tête de Clara le jour où il lui a expliqué que ce magnifique bâtiment s’appelait autrefois le Palais Brogniart et que c’était une Bourse. Clara avait alors demandé :
- C’était quoi une Bourse ?
- Une corbeille où des gens hurlaient en achetant et en vendant des morceaux d’entreprises pour gagner très vite de l’argent !
- Mais c’était ridicule, avait répondu Clara.
Ce matin Max a rendez-vous avec son conseiller du service d’épanouissement personnel, service qui a remplacé il y a 10 ans le « Pôle Emploi ».
Max est en transition professionnelle, il voudrait travailler dans une entreprise à taille humaine et proche des gens. C’est plus facile depuis le « Relocalisation Act » voté par l’ONU en 2020, qui impose aux entreprises de s’ancrer pleinement sur leurs territoires d’activité.
Pendant ce temps, dans la cuisine de l’appartement, Eric, le frère aîné, apparaît à l’écran de téléconférence. Il étudie la gouvernance participative à l’Université de la Drôme. Il y est très content. Heureusement qu’il y a été admis, sinon il aurait été obligé d’aller à HEC.
- Ca va, Eric ?
- Super ! Papa n’est pas là ?
- Non, il vient de partir.
- Flûte, je voulais lui poser une question pour mon exposé sur les PSU…
- C’est quoi, ça ?
- Les Projets Socialement Utiles. J’ai un problème de retour social sur investissement.
A ce moment là, Elise, la mère de Clara et Madou arrive :
- Ah ! Eric ! Quand pars-tu en Suède pour ton programme Edgarmorinus pour l’Insertion par l’Activité Economique ?
- Dans 3 mois ! J’ai le temps !
Elise travaille au puissant et populaire Ministère des Services d’Intérêt Général, premier budget de la Nation, installé rue de Bercy à l’ancienne place du Ministère de l’Economie.
Tout en contrôlant le compteur de CO2, Elise demande à Clara :
- Ca va ma fille ?
- J’ai conseil d’école ce matin. Je vais proposer qu’on passe le film « Vivre et Résister » que j’ai acheté hier au musée de l’Exclusion. Qu’en penses-tu maman ?
- Ca parle de quoi ?
- Ca parle du Livre Blanc qui a été fait en 2009 et de tout ce qui s’est passé depuis. Les Nouvelles Alliances, le Pacte de la Société Civile et tout et tout.
- Tu as raison. Il faut être vigilant, Vivre et Résister est un combat de tous les jours.
[1] Cet article est un texte prospectif, co-écrit avec Hugues Sibille à l'occasion d'une fête donnée en l'honneur de Claude Alphandéry le 30 juin dernier. Ce texte est issu des idées et travaux de la publication sur "l'ESS face à la crise", que Claude Alphandéry est en train de préparer.publié sur le site http://www.lafronde-economique.info/article-33673293.html